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La compensation carbone sous le feu des critiques

Compenser son empreinte carbone par un projet séquestration ou de réduction d'émissions est-il une bonne idée ? Les critiques sur la compensation se multiplient, surtout quand il s'agit de projets liés à la reforestation.

Compensation carbone : la reforestation en question...
Compensation carbone : la reforestation en question... (Shutterstock)
Publié le 28 nov. 2019 à 08:35Mis à jour le 28 nov. 2019 à 12:52

La compensation carbone, nouveau Graal des secteurs d'activité les plus émetteurs de CO2 ? Compagnies aériennes et groupes pétroliers multiplient les engagements dans cette direction. Concrètement, il s'agit de financer des projets de réduction ou de séquestration de CO2 hors de leur périmètre d'activité. Exemple : planter une forêt ou installer des éoliennes. Cette compensation dite « volontaire » se fait via l'acquisition de « crédits carbone » ; un crédit correspondant à une tonne équivalent de CO2 séquestrée ou évitée. En France, 3 millions de tonnes éq CO2 ont été compensées en 2016.

Mais pour l'ONU Environnement, la compensation pourrait bien être un « moyen de passer inaperçus » pour les pollueurs… Dans une note de juin 2019 intitulée « Les compensations carbone ne nous sauveront pas », l'organisation met en garde contre un « danger » pouvant « conduire à la complaisance ». Principale critique : passer directement à la case « compenser »sans avoir d'abord réduit ses émissions ; la compensation étant théoriquement réservée aux émissions « incompressibles ».

Planter des arbres ? Fausse bonne idée

Au-delà de cette injonction onusienne pourtant peu respectée, la compensation volontaire souffre de nombreuses déficiences. Premièrement, la grande difficulté à garantir l'additionnalité d'un projet, autrement dit le fait qu'il n'aurait pas pu exister sans la compensation. « Il faut lutter contre les effets d'aubaine, quand les projets sont rentables à la base. En outre, les réductions d'émission sont souvent relatives à une prévision et non pas absolues », assure Alain Karsenty, chercheur au Cirad. Autre point faible : l'impossibilité d'établir une stricte équivalence entre la tonne de CO2 émise et celle soustraite, « en raison des externalités négatives, notamment sur l'environnement et la santé, liées à l'émission d'une tonne de CO2 », précise Jonathan Guyot, président de l'association all4trees.

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La compensation forestière est particulièrement sujette à caution. « Elle attire, car c'est un symbole dans l'imaginaire collectif, mais les émissions partent immédiatement dans l'atmosphère, alors que les arbres mettront des dizaines d'années pour les séquestrer. Par ailleurs, la pérennité de ces plantations est soumise à de nombreuses menaces, à commencer par le changement climatique », souligne Jonathan Guyot. L'accaparement des terres occupées par les communautés est un autre écueil. Pour Alain Karsenty, « ce serait plus intelligent de financer la rénovation thermique des bâtiments, mais cela fait moins rêver ».

Un prix dix fois trop faible

Enfin, le prix moyen de vente des « crédits carbone » est trop bas pour avoir un pouvoir transformateur. En 2016, il était en France de 3,37 euros la tonne éq CO2. « Il doit au moins s'élever à 30 euros pour s'assurer d'une compensation de bon niveau », estiment les deux experts, soulignant que l'idéal serait d'appliquer le montant de la taxe carbone aux projets de compensation. Par ailleurs, de nombreux acteurs comme des courtiers, vivent de ce mécanisme « sans toujours être transparents sur leur marge de revente ni exigeants sur les pratiques des entreprises », note Jonathan Guyot.

Enfin, Alain Karsenty estime que « la fonction de la compensation pour les entreprises, c'est surtout d'éviter la réglementation et les taxes. Toutefois, et à condition qu'elle soit bien conduite, la compensation peut financer des projets utiles contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique ». Parler de « contribution » plutôt que de « compensation », comme le proposent all4trees et le cabinet de conseil Carbone 4, pourrait d'ailleurs largement aider à éclaircir le débat…

Juliette Nouel

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