Après avoir battu de tristes records en 2023, les incendies sont sur une trajectoire similaire pour 2024 en brûlant des millions d’hectares de forêts durant la période estivale au Brésil et au Canada.

Il s’agit d’un cercle vicieux : causés par le réchauffement climatique ou directement par l’activité humaine, ces gigantesques incendies émettent des millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère en amplifiant par là même le réchauffement de la planète.
L’État brésilien du Mato Grosso do Sul vient de décréter l’état de “situation d’urgence”

Le décret, pris par les autorités, a pour objectif de combattre plus efficacement et plus rapidement les feux de forêts qui ravagent le Pantanal, la plus grande zone humide de la planète, située dans cette région du centre ouest du Brésil.

Selon les données recueillies par le Laboratoire d’application de satellites environnementaux (Lasa) de l’Université fédérale de Rio de Janeiro, 627 000 hectares (soit 60 fois la superficie de Paris intramuros – 10 540 ha) ont déjà brûlé au Pantanal depuis le début de l’année 2024. Le biome (zone géographique caractérisée par l’écosystème et les conditions climatiques) du Pantanal s’étend également en Bolivie et au Paraguay. À titre de comparaison, près de 267 000 hectares avaient brûlé au Pantanal au premier semestre 2020, dernier épisode en date de dévastation massive par le feu dans cette zone.

L’Amazonie a enregistré plus de 13 000 foyers d’incendie au premier semestre, le pire bilan en 20 ans.

Le Brésil a enregistré 13 489 foyers d’incendie au premier semestre en Amazonie, le pire chiffre en vingt ans. Les experts attribuent cette hausse spectaculaire à une sécheresse historique dans la plus grande forêt tropicale de la planète.

Discorde autour de l’agriculture sur brûlis

Selon Romulo Batista, porte-parole de l’antenne brésilienne de Greenpeace, “le changement climatique contribue” à l’augmentation des feux de forêt, causés notamment par une sécheresse exceptionnelle qui a frappé l’Amazonie l’an dernier. Il pense que “la plupart des départs de feu ne sont pas spontanés ou causés par la foudre, mais engendrés par l’action humaine”, notamment l’usage de la technique du brûlis pour l’expansion agricole. Cette technique consiste à défricher une parcelle de forêt en la brûlant pour la cultiver par la suite ou pour pratiquer l’élevage.

La situation est d’autant plus préoccupante que le pic des incendies est habituellement atteint au second semestre, notamment en septembre au cœur de la saison sèche, ce qui laisse augurer le pire pour la suite.

En 2023, les feux de forêts au Canada ont émis 4 fois plus de CO2 que l’aviation à l’échelle planétaire

En 2023, les incendies sur le territoire canadien ont coûté des milliards de dollars de dommages, forcé des milliers de personnes à évacuer leur domicile et rejeté dans l’air une pollution atmosphérique qui s’est déplacée dans le monde entier.

Selon le Global Forest Watch initiative du WRI (World Research Institut) et l’université du Maryland, ces feux ont brûlé près de 7.8 millions d’hectares de forêts au Canada cette année là, ce qui représente environ 3 millions de tonnes de CO2, soit 4 fois plus que le secteur de l’aviation en 2022.

Le cercle vicieux ou la terrible boucle de rétroaction climatique

Ces gigantesques incendies sont aggravés par des températures anormalement élevées, dopées au dérèglement climatique, et des précipitations anormalement basses, conséquemment aux perturbations climatiques du régime des pluies. La tendance à l’augmentation des feux de forêts au Canada ces dernières décennies amorce une boucle de rétroaction négative.

En effet, la température augmente deux fois plus vite dans les latitudes élevées qu’en moyenne sur le reste des terres émergées. Ceci fragilise d’autant plus les forêts qui, souffrant de la sécheresse, sont plus enclines à être victimes d’incendies sur de plus grandes périodes. Or,  lorsque les forêts brûlent, elles relâchent le carbone séquestré tout au long de la vie des arbres directement dans l’atmosphère… Ce relâchement accentue le  dérèglement du cycle du carbone et accroît les températures moyennes. La boucle est infernale.

Les émissions de CO2 causées par les feux de forêts Canadiens sont largement exclues de la comptabilité nationale des gaz à effet de serre

Il y a de grandes différences entre les émissions rapportées par les pays et ce qui est mesuré globalement dans l’atmosphère, en partie parce que les Nations Unies exigent seulement des pays qu’ils documentent leurs émissions anthropiques, c’est-à-dire résultant directement de l’activité humaine.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) laisse la possibilité aux pays de définir leurs terres comme “utilisées” (pour l’agriculture par exemple) ou “inutilisées” (à l’état de parcs naturels par exemple) afin de mieux différencier les GES (gaz à effet de serre) d’origine naturelles ou anthropiques.

Le Canada exclut toutes ses émissions de CO2 causées par les feux de forêts sur ces terres aménagées des rapports officiels, estimant que ce ne sont pas des émissions directement liées aux activités humaines. L’ONU a remis en question cette approche.

Les mauvais comptes des feux de forêts dans les rapports d’émissions des GES

Il est pourtant de plus en plus délicat de différencier les incendies de forêt « naturels » et « anthropiques », une grande partie étant déclenchés par l’homme directement ou, accentués indirectement à travers les conséquences du réchauffement climatique qui allonge la saison des incendies et fragilise les espaces forestiers.

Selon une étude récente, exclure les émissions liées aux incendies dans les forêts exploitées par les être-humains pourrait sous-estimer les émissions de gaz à effet de serre de 80 millions de tonnes par an !

En conclusion, les forêts sont au cœur de l’équilibre du système climatique. Elles peuvent à la fois séquestrer une grande quantité de carbone mais aussi le relâcher en cas d’incendies. Or, les conditions climatiques actuelles les exposent à des conditions de plus en plus dures (sécheresse, chaleurs extrêmes) et accroissent les risques de mégafeux. Protéger efficacement les forêts est donc un levier essentiel de la lutte contre les changements climatiques !

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