Les « paquets forestiers », un package durable ?
Les « paquets forestiers », késako ?
Lors de la COP 28, qui s’est tenue en décembre 2023 à Dubaï, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place de « paquets forestiers », c’est-à-dire des partenariats entre des bailleurs publics, privés, et des pays qui protègent activement leurs forêts. Ces accords comprennent trois volets :
- Scientifique: le but est de soutenir la recherche au niveau national en matière de carbone et de biodiversité grâce, notamment, à une cartographie des zones d’intérêt écologique
- Economique: ces partenariats doivent associer les populations autochtones et les communautés locales, que ce soit pour les sensibiliser sur les enjeux de préservation des forêts et leur assurer une stabilité économique
- Promouvoir « des moyens de financements innovants, qui permettraient de générer des crédits carbone et biodiversité de qualité».
« Le grand paradoxe de notre monde est que, jusqu’à maintenant, nous avons dépensé beaucoup d’argent pour la reforestation, mais sans agir pour préserver les forêts déjà existantes » a déclaré Emmanuel Macron. Cette affirmation a de quoi surprendre, pour ne pas dire plus, venant d’un Président qui prône la plantation d’un milliard d’arbres en 10 ans, au détriment de toute logique de préservation de la biodiversité. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous monsieur le Président ! C’est pourquoi les associations membres d’all4trees s’engagent pour la préservation des forêts depuis de nombreuses années.
Deux partenariats signés, un troisième en cours de négociation
Ces accords sont négociés pays par pays. À ce jour, seuls deux partenariats sont signés :
- Un premier avec la République du Congo, pour 50 millions de dollars
La forêt tropicale présente sur ce territoire est la 2e au monde en termes de superficie, après l’Amazonie, mais la 1e en termes de séquestration nette de carbone (absorption, à elle seule, d’1.5 % de l’ensemble des émissions annuelles de carbone dans le monde). Cela reste très peu au regard du niveau actuel des émissions mondiales mais le bassin du Congo joue donc un rôle crucial dans la stabilité du climat mondial.
Ce niveau de financement semble cohérent avec les besoins manifestés dans la Contribution Déterminée au niveau National du pays, mise à jour en 2021.
- Un second avec la Papouasie-Nouvelle Guinée, pour 100 millions de dollars
Ce pays abrite une grande partie de la 3e forêt tropicale humide au monde et près de 7 % de la biodiversité mondiale. Dans la série documentaire Gardiens de la Forêt, le chef coutumier papou Mundiya Kepanga avait exploré les modes de gestion durable de l’espace forestier de son pays et plaidé l’urgence de la situation lors de sa venue en France en novembre 2023.
De même ce niveau de financement semble cohérent avec les besoins exprimés dans la CDN de 2022.
Un 3e est en cours de discussion avec la République démocratique du Congo, et d’autres accords similaires devraient être signés d’ici 2030.
Une avancée significative ?
La mise en place de tels financements est une bonne nouvelle pour les acteurs de terrain, qui plaident depuis longtemps l’urgence de préserver les forêts. Ainsi que notre communauté ne cesse de le clamer, planter des arbres joue un rôle pour la séquestration du carbone ou encore pour favoriser l’établissement de filière-bois durable mais demeure totalement insuffisant dans le cadre d’un projet de restauration des forêts. Il est nécessaire de soutenir les activités visant à préserver les forêts existantes et contrer les discours florissants sur le fait d’uniquement planter des arbres (voir notre dossier sur le treewashing).
Par ailleurs, les discours promouvant ces « paquets » mettent sans cesse en avant la capacité d’absorption du carbone des forêts tropicales. Cet aspect est certes indéniable et indispensable au regard de l’urgence climatique en cours mais, de même que la plantation d’arbres ne saurait occulter les actions nécessaires pour préserver et restaurer les forêts, capter et absorber le carbone est loin d’être le seul service écosystémique que nous rendent les forêts ! Rappelons qu’elles permettent, entre autres, de fixer les sols, filtrer l’eau, réguler la pluviométrie, qu’elles abritent 80 % de la biodiversité terrestre, etc. Les forêts ne sont pas qu’une valeur marchande et comptable à mettre dans la balance de la neutralité carbone.
Dans la même perspective, le volet de promotion des financements visant à générer des crédits carbone et biodiversité « de qualité » demeure très flou. Les associations craignent que ces règles permettent aux Etats et aux entreprises de se décrire comme « neutres en carbone » grâce à l’achat de ces crédits, ce qui se ferait au détriment de réduction effective de leurs propres émissions.
Nous devons donc rester vigilants quant à la mise en place de ces « paquets forestiers », mais espérons que ces financements – allant dans le bon sens sur le plan de la préservation vs. replantation – permettront aux acteur.rice.s de terrain et aux pays concernés d’accroître significativement leur capacité de préservation sur le terrain, car le temps presse !
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