Mieux comprendre le futur règlement européen

sur la déforestation (RDUE)

 

Un contexte urgent : les forêts sont en danger.  

Que ce soit en termes de biodiversité terrestre, de régulation du climat, de filtration de l’eau, de fixation des sols… Les forêts sont vitales pour nous toutes et tous. Pourtant, leur situation est aujourd’hui critique : 10 millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année, selon l’évaluation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et les zones tropicales (notamment les forêts primaires) sont les plus sévèrement touchées. Cela a beau se passer loin de nos yeux, dans d’autres pays, voire à l’autre bout du monde, chacun.e de nous en Europe a un impact sur ces forêts, souvent sans le savoir, via la déforestation importée. 

En effet, de nombreux produits que nous achetons contribuent à la déforestation au-delà de nos frontières : viande, œufs et produits laitiers sont issus d’animaux nourris avec du soja importé dont la culture ne cesse de s’étendre, en particulier en Amérique latine. Nous pouvons y ajouter le chocolat fabriqué avec du cacao issu des plantations en Afrique de l’Ouest.

C’est pourquoi la France a adopté, en 2018, une Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI), pour mettre fin en 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation dans les filières de cacao, hévéa, soja, huile de palme, bois et ses produits dérivés, bœuf et co-produits. L’Union européenne s’est engagée à son tour et, en juin 2023, les 27 États-membres adoptent le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE).

 

Le RDUE, c’est-à-dire ?

Quel objectif ?

« Réduire au minimum la part de l’Union dans la déforestation et dans la dégradation des forêts dans le monde, et de contribuer ainsi à une diminution de la déforestation dans le monde », soit mettre fin à l’importation de produits issus de la déforestation en Europe. Il s’applique à 7 produits (soja, cacao, café, huile de palme, viande bovine, caoutchouc, bois) ainsi que plusieurs matières associées (cuir, charbon de bois, cosmétiques, papier…).

Comment ?

Pour être en conformité avec ce règlement, les produits concernés mis sur le marché ou exportés devront :

  1. Être « zéro déforestation »
  2. Être en conformité avec la législation du pays d’origine
  3. Faire l’objet d’une déclaration de diligence raisonnée, c’est-à-dire prouver que les produits sont issus de terres qui n’ont pas été déforestées après le 31 décembre 2020.

Le 3e critère implique de :

  • Collecter toutes les données nécessaires à la traçabilité amont et aval du produit, incluant une géolocalisation de toutes les parcelles de production
  • Évaluer le risque de déforestation
  • Établir un plan de mitigation des risques de déforestation.

Quand ?

Ce règlement, adopté en juin 2023, entre en application le 30 décembre 2024 pour les entreprises puis le 30 juin 2025 pour les micro et petites entreprises.

Un texte unique, une première mondiale, mais…

Fin mars 2024, une vingtaine d’Etats européens – dont la France – ont demandé une suspension temporaire de ce Règlement en raison des difficultés d’application sur leurs territoires et par crainte de voir resurgir la colère des agriculteurs. Cette demande fait suite à un recul avéré sur un ensemble d’objectifs environnementaux et fragilise la crédibilité de l’Union européenne sur la scène internationale : comment convaincre ses pairs de s’engager pour lutter contre le changement climatique si on change soi-même d’avis ? Certaines voix s’élèvent pour demander une révision du Règlement afin de mieux l’adapter aux réalités locales et aller plus loin (plus de zones concernées comme les savanes boisées etc.). Le chercheur au CIRAD, Alain Karsenty, abonde en ce sens en proposant une interdiction graduée : relever les droits de douane pour les produits issus de la déforestation légale par exemple.

Toutefois, une révision des textes de lois va rarement en ce sens et pourrait – au contraire – affaiblir ce qui avait été enfin voté en 2023, sans compter les incertitudes liées à la nouvelle composition du Parlement européen suite aux prochaines élections de juin. Si le Règlement est suspendu, puis révisé, la seule certitude est que nous n’en avons plus aucune pour garantir la préservation des forêts.  Au lieu de négocier pour réduire ou ajourner la législation, les pays producteurs et consommateurs doivent poursuivre l’appui aux producteurs pour être en conformité avec la législation et convaincre les gouvernements et institutions sceptiques que la RDUE est une opportunité de s’attaquer, enfin, aux causes profondes de la déforestation !

C’est pourquoi notre association s’engage depuis plusieurs années sur le terrain, avec les porteurs de projets membres, pour soutenir les communautés locales afin de réduire la pression sur les forêts. Du Tchad au Bénin en passant par Madagascar, nous soutenons les opérateurs de terrain dans le développement d’alternatives économiques et le déploiement d’actions de sensibilisation. Par ailleurs, all4trees se mobilise en 2024 sur la déforestation importée grâce à la campagne #act4forests, menée en partenariat avec le mouvement On est Prêt, afin sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux qui y sont liés. N’hésitez pas à la consulter 😊. Ensemble, mobilisons-nous pour préserver les forêts !

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